Alors que le monde se mobilise pour une transition énergétique juste et durable, la République Démocratique du Congo (RDC), pourtant dotée d’un des plus grands potentiels hydroélectriques au monde, ferme la marche. Selon le classement 2025 du Energy Transition Index (ETI) publié par le Forum Économique Mondial, la RDC se classe 22e sur 22 pays africains évalués. Une performance inquiétante, voire alarmante, quand on considère les enjeux à la fois climatiques, économiques et sociaux liés à l’énergie.
La RDC possède plus de 100 000 MW de potentiel hydroélectrique théorique, soit près de 13 % du potentiel mondial. Pourtant, moins de 10 % de la population congolaise a accès à une électricité stable et fiable, en particulier en dehors de Kinshasa et des grandes villes minières. Pourquoi un tel paradoxe ?
Le rapport ETI évalue la performance énergétique sur trois axes clés : sécurité, durabilité, équité, et sur cinq facteurs de préparation : réglementation, investissements, innovation, infrastructures et capital humain. La RDC échoue sur presque tous les plans : Faible capacité institutionnelle et gouvernance instable. Infrastructures vieillissantes (ex : Inga I & II) non modernisées ; Absence de cadre réglementaire incitatif pour les énergies renouvelables ; Sous-investissement chronique dans le secteur énergétique ;
Le contraste est saisissant. Le Nigeria, pourtant miné par des défis sécuritaires et une forte dépendance au pétrole, gagne 48 places dans le classement mondial, atteignant le 61e rang grâce à des réformes ciblées, des stratégies locales de transition énergétique et un afflux de capitaux dans les énergies propres. Même dynamique en Tunisie ou en Namibie, où les gouvernements ont misé sur la diversification énergétique et l’attractivité réglementaire.
Ce que ces pays démontrent, c’est qu’un changement structurel est possible sans attendre des décennies, à condition de combiner volonté politique, stabilité réglementaire et mobilisation citoyenne.
La RDC peut-elle encore inverser la tendance ? Oui. Mais cela exige un changement de paradigme. Voici quelques leviers concrets : Moderniser les barrages existants et accélérer la réalisation d’Inga III dans un cadre transparent et équitable. Stimuler les partenariats public-privé dans les énergies solaires et mini-réseaux communautaires. Réformer la législation énergétique pour attirer les investisseurs et sécuriser les projets verts. Renforcer la formation technique et la gouvernance locale, pour bâtir un écosystème capable de piloter le changement.
L’énergie, levier de souveraineté et de justice sociale; Il ne s’agit pas uniquement de produire plus d’électricité. Il s’agit de garantir à chaque Congolais — du village le plus reculé de l’Équateur à la périphérie de Lubumbashi — un accès juste et durable à une énergie propre. C’est aussi une question de souveraineté : la RDC ne peut pas continuer à exporter des minerais critiques pour la transition énergétique mondiale tout en s’éclairant à la bougie.
La transition énergétique n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale, qui touche à l’éducation (écoles éclairées), à la santé (hôpitaux fonctionnels), à la croissance économique (PME électrifiées), et à la lutte contre la déforestation (réduction du charbon de bois).Le rapport ETI 2025 n’est pas qu’un classement. C’est un miroir. La RDC y voit son reflet : celui d’un géant énergétique endormi, freiné par ses propres chaînes. Mais ce miroir peut aussi servir de déclencheur. Car la transition énergétique n’est pas un chemin linéaire, ni réservé aux riches : elle commence par un choix. Le choix de regarder le potentiel comme une responsabilité, non comme une fatalité.
Il est temps que le gouvernement congolais, les investisseurs, les scientifiques et les citoyens se saisissent de cette opportunité historique. Pour que la RDC cesse d’être le dernier wagon, et devienne enfin la locomotive verte de l’Afrique.
Par kilalopress