Le 20 décembre 2024, une démission en trombe a secoué la scène scientifique et environnementale au Sud-kivu. Le professeur Robert Kasisi, Directeur Général du Centre de Recherche en Sciences Naturelles de Lwiro (CRSN Lwiro), a annoncé sa démission, jetant un pavé dans la mare des autorités congolaises et de l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature). Une démission qui, loin d’être une simple décision administrative, soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de la recherche scientifique en RDC et l’état des politiques publiques en matière de conservation et de gestion des ressources naturelles.
Le prétexte officiel avancé par Kasisi ? Des raisons de sécurité et de commodité. Le directeur, résidant désormais à Bukavu, avait, selon ses dires, dû abandonner les trajets incessants d’environ 40 kilomètres entre Bukavu et Lwiro, une routine qui, selon lui, a dégradé sa santé. Mais derrière cet argument de “commodité”, se cache une réalité plus accablante : l’absence de moyens financiers et logistiques pour faire fonctionner correctement un centre de recherche censé être à la pointe de la conservation des espèces endommagées en RDC. “La CRSN-Lwiro n’a plus bénéficié de frais de fonctionnement depuis plusieurs années”, déclare-t-il dans sa lettre de démission. Un aveu accablant pour un gouvernement qui semble accorder bien peu d’importance à la recherche scientifique en matière de biodiversité.
Et que dire de l’affaire des 12 chimpanzés transférés à Kinshasa ? L’ICCN, chargé de la gestion de la faune congolaise, aurait organisé ce transfert dans des conditions qui ont suscité la polémique. Le timing de la démission de Kasisi soulève des questions : cette décision de quitter la direction de Lwiro ne serait-elle pas liée à l’opération de transfert de ces primates, dont les conditions et les raisons restent floues ? Est-ce là un geste de protestation implicite contre une gestion peu claire des projets de conservation en RDC ? La démission du professeur Kasisi est plus qu’une simple perte de personnel au sein d’un centre de recherche : c’est un symbole de l’inefficacité du gouvernement congolais à soutenir véritablement ses scientifiques et ses chercheurs. Depuis sa prise de fonction en mars 2022, Kasisi avait promis de redorer l’image du CRSN Lwiro, mais force est de constater que, malgré ses efforts, la situation n’a cessé de se détériorer. Le manque de financement, les conditions de travail précaires, et une gestion logistique défaillante ont eu raison de son engagement.
Les ministères concernés semblent plus préoccupés par des gesticulations politiques que par la préservation effective de la faune et des écosystèmes congolais. Le secteur de la recherche scientifique, pourtant crucial pour la conservation de la biodiversité, semble à l’abandon. La démission du directeur est-elle la manifestation d’une révolte silencieuse contre un système qui ne soutient pas ses chercheurs ou une simple fuite en avant ? Peu importe la réponse, il est clair que la RDC, qui se targue de posséder certaines des plus vastes forêts tropicales et de ressources naturelles du monde, se trouve à un carrefour décisif. Si le gouvernement congolais veut redorer son image internationale en matière de conservation et de développement durable, il est plus que temps de prendre des mesures concrètes. Le départ de Kasisi et la controverse qui l’accompagne ne doivent pas être traités comme une anecdote administrative : ils doivent être un signal d’alarme pour un gouvernement qui semble se satisfaire des discours sur la nature sans jamais réellement se donner les moyens de sa politique écologique. Quant à l’ICCN, déjà malmené par des critiques internes et externes, il est grand temps qu’il clarifie sa gestion des projets de conservation et qu’il prenne ses responsabilités face à l’opinion publique. Les chimpanzés transférés à Kinshasa ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Par kilalopress