En République démocratique du Congo, l’exploitation minière reste un gouffre à ciel ouvert. Pas seulement pour la nature, ravagée par les pelleteuses et les explosions, mais aussi pour l’État, incapable de tirer profit de ses propres ressources. Le président Félix Tshisekedi lui-même s’en est plaint, le 30 mai 2025, dénonçant « l’opacité persistante » dans la gestion des joint-ventures minières. Mais comment croire à l’indignation d’un chef de l’État qui, trois ans après avoir ordonné un contrôle des actifs miniers publics, n’a toujours obtenu aucun résultat concret ?
C’est devenu une habitude : des discours tonitruants depuis Kinshasa, des instructions fermes en conseil des ministres, suivis d’un néant administratif. Depuis 2022, les ministres des Mines et du Portefeuille avaient pour mission de passer au crible les participations de l’État dans 25 entreprises minières. Objectifs affichés : évaluer les recettes attendues, vérifier la présence de représentants étatiques légitimes, assurer la souveraineté sur les ressources naturelles. Mais en 2025, aucun rapport, aucun chiffre, aucune mesure tangible. Seulement un audit annoncé – encore un.
Le chef de l’État déplore un « déficit de reddition des comptes » ; nous parlons plutôt d’un gouffre béant entre promesses et actes.Le ministre du Portefeuille l’a reconnu il y a six mois : la quasi-totalité des entreprises publiques du secteur sont déficitaires depuis trois ans. Ce qui est, en soi, une aberration économique dans un pays qui détient certains des plus grands gisements mondiaux de cobalt, de cuivre, de coltan.
La réalité est brutale : les sociétés minières opérant avec l’État ne servent qu’à enrichir une élite bien placée. Tandis que les multinationales prospèrent, le Trésor public se contente des miettes – quand il en reste. Le cadre légal congolais oblige pourtant les compagnies minières à inclure des plans de développement communautaire dans leurs projets. Mais ces documents ne sont le plus souvent que des formalités, des bouts de papier rangés dans des tiroirs. Les écoles ne sortent pas de terre, les centres de santé promis ne voient jamais la lumière du jour. Pendant ce temps, les communautés riveraines, qui devraient être les premières bénéficiaires, vivent dans une misère aggravée par la pollution, les déplacements forcés et l’insécurité.
Dans l’est du pays, les sociétés comme la SOMIKIVU ou la SOKIMA, toutes deux inactives depuis des années, symbolisent cette incurie. Des ressources dormantes, des emplois absents, un développement local paralysé. Cette inaction, au mieux de l’inefficacité, au pire de la complicité, offre un boulevard aux groupes armés qui exploitent ces richesses de manière illégale, sans que l’État n’y oppose la moindre résistance.
Le 7 mai dernier 2025, un sursaut semblait possible : le Sénat devait interroger le ministre des Mines, Kizito Pakabomba, sur le gel de certains gisements et l’exclusion des communautés dans les projets miniers. Une occasion cruciale de rompre le silence. Hélas, le ministre n’a même pas eu à répondre. Prétexte évoqué ? Un contexte politique “délicat”. Résultat ? Des millions de francs congolais dépensés en sécurité, logistique et déplacements pour une session parlementaire inutile. Une honte nationale pour les observateurs présents. Une gifle pour les citoyens qui attendaient des réponses.
Oui, le président Tshisekedi a raison de demander des comptes. Mais à qui, sinon à ses propres ministres ? Cette indignation tardive ne peut masquer l’échec collectif de l’exécutif. À force de tolérer l’opacité, de différer les audits, de repousser les débats parlementaires, le pouvoir en place s’est rendu complice d’un pillage à huis clos fustige un analyste de la societe civile de kinshasa. Et ce ne sont pas les déclarations publiques, aussi virulentes soient-elles, qui changeront la donne si elles ne sont pas suivies d’actions réelles ajoute t-il.
La RDC est riche, mais les Congolais restent pauvres. Ce paradoxe n’est pas un hasard : il est le fruit d’un système minier profondément vicié, où l’opacité protège les intérêts privés au détriment du bien commun. Les communautés en paient le prix, l’environnement se dégrade, et l’État… regarde ailleurs. Ce pays mérite mieux qu’un éternel recommencement de commissions, d’audits et de promesses non tenues. Il est temps de dénoncer cette gouvernance extractive pour ce qu’elle est : un système d’exploitation politique d’une richesse qui devrait, à elle seule, transformer la RDC. Mais encore faut-il une volonté politique réelle.
Par kilalopress