Kinshasa, le 22 octobre 2025 — Ce mardi, la salle de conférence de l’Hôtel Béatrice, à Gombe, a accueilli l’atelier national de validation des pratiques fondées sur la nature (SFN) en République démocratique du Congo. Une initiative de l’ONG Climate Change Africa Opportunities (CCAO) et de son partenaire OCA Global, avec l’appui du Global Center on Adaptation (GCA), dans le cadre d’un vaste programme de la Banque mondiale déployé dans cinq pays du bassin du Congo.
Cet atelier marque une étape cruciale dans la mise en œuvre des projets de résilience urbaine soutenus par la Banque mondiale en RDC, au Burundi, en République centrafricaine, au Congo-Brazzaville et au Gabon. Objectif commun : réduire la vulnérabilité des villes face aux inondations et à l’érosion, tout en renforçant l’accès aux infrastructures et services urbains essentiels.
À travers ce projet, le consortium dirigé par le GCA met l’accent sur la promotion et la diffusion des pratiques durables de gestion des sols, de l’eau et des terres, inspirées par la nature. Ces approches restaurent les écosystèmes tout en protégeant les populations des effets dévastateurs des changements climatiques.
Lors de son intervention en ligne, Eduardo Pérez, expert en sols, eau et aménagement du territoire, a exposé les principaux objectifs du programme mis en œuvre depuis plus d’un an. Il vise à identifier et hiérarchiser les pratiques de gestion basées sur la nature pour réduire les risques d’inondation et d’érosion — deux fléaux qui ravagent les zones urbaines congolaises, notamment à Kinshasa, Kikwit et Massoumouna.
Selon lui, les travaux reposent sur une méthodologie rigoureuse, alliant inventaires de terrain, études de cas et élaboration d’un compendium national des solutions identifiées. L’équipe internationale qu’il dirige — composée d’experts en résilience urbaine, développement social et communication — collabore étroitement avec les équipes nationales pilotées par Trésor BADISUNGU, afin d’analyser la pertinence et la flexibilité des pratiques locales à intégrer dans les futurs investissements de la Banque mondiale.
Pour Eduardo Pérez, la RDC dispose d’un cadre social et institutionnel solide, plus structuré que dans plusieurs pays voisins, grâce à « un réseau d’acteurs locaux déjà engagés dans la mise en œuvre d’initiatives fondées sur la nature ». Un atout majeur pour la réussite du programme.
Au nom d’OCA Global, Alejandra Castellanos a rappelé que les SFN constituent une approche incontournable pour répondre simultanément aux défis sociaux, économiques et environnementaux des villes congolaises.
Définies par les Nations Unies en 2022, les solutions fondées sur la nature regroupent toutes les actions de protection, restauration et gestion durable des écosystèmes, qu’ils soient terrestres, aquatiques ou marins, tout en renforçant la résilience des populations.
Cette approche, issue des travaux conjoints de la Banque mondiale et de l’UICN, s’appuie sur un standard international articulé autour de huit critères et vingt-huit indicateurs, garants de la durabilité de chaque projet.
En RDC, les SFN s’appliquent à la gestion intégrée des sols, de l’eau et des terres pour lutter contre les inondations, l’érosion et la dégradation des bassins versants. Elles offrent de multiples bénéfices : réduction des aléas climatiques, amélioration de la qualité du sol, filtration naturelle des polluants, baisse des températures extrêmes et création d’emplois verts.
Mme Castellanos a insisté sur la participation des communautés locales, des scientifiques et des autorités, depuis la co-conception jusqu’à la mise en œuvre. Chaque projet repose sur une évaluation des risques, une sélection concertée des solutions et un suivi-évaluation rigoureux pour garantir la durabilité.
« Ce suivi, a-t-elle expliqué, distingue les SFN des approches classiques d’ingénierie grise : il assure une résilience à long terme et une gestion adaptative des écosystèmes restaurés. »
Elle a présenté le catalogue des solutions fondées sur la nature pour la résilience urbaine, un outil de référence développé par la Banque mondiale pour aider les villes à choisir les interventions les plus adaptées à leur contexte géographique.
« Les solutions fondées sur la nature nous permettent de bâtir des villes plus résilientes, plus saines et plus durables, où la nature devient un véritable allié de la planification urbaine », a-t-elle conclu.
Le Professeur Mbalassa, chercheur principal ayant conduit la recherche-action participative sur les SFN en RDC, a dévoilé les résultats d’un travail de terrain mené à Kinshasa et dans le Kwilu (Masamuna et Kikwit). En collaboration avec l’Université Loyola du Congo, son équipe a identifié 14 pratiques locales concrètes.
Les observations ont porté sur les communes de Mont-Ngafula, Limete et Maluku, où dix solutions ont été répertoriées, contre une à Masamuna et trois à Kikwit. Ces initiatives communautaires — souvent nées de la débrouille et du génie local — illustrent l’ingéniosité congolaise face aux risques climatiques.
Parmi les exemples phares :
- La technique du sable végétalisé combiné au vétiver, appliquée à Kimwenza dans le cadre du projet Kin Elenda, soutenu par la Banque mondiale. Ces « gabions végétalisés » stabilisent les pentes et réduisent l’érosion.
- La réutilisation des pneus usagés végétalisés pour consolider les berges et lutter contre les glissements de terrain à Matadi Kibala et Matadi mayo, une innovation 100 % communautaire.
- Les bassins de rétention d’eau créés à Mont-Ngafula, qui limitent les inondations tout en rechargeant les nappes phréatiques.
- La plantation de bambous chinois à l’Université de Kinshasa, protégeant les infrastructures contre l’érosion.
- Et l’agriculture urbaine à N’sele, intégrée à la planification urbaine durable et à la sécurité alimentaire.
« Ces initiatives prouvent que les solutions fondées sur la nature ne sont pas des concepts importés, mais des pratiques enracinées dans les savoirs locaux et les besoins réels des populations », a insisté le Professeur Mbalassa,.
Les travaux d’amélioration du rapport national ont réuni experts scientifiques, autorités techniques, chercheurs et représentants de la société civile venus de Kikwit et de Kinshasa.
Répartis en quatre groupes de discussion, les participants ont analysé les 14 solutions selon cinq critères :
- leur capacité à réduire la vulnérabilité des populations ;
- leurs bénéfices socio-économiques et environnementaux ;
- leur faisabilité technique ;
- leur acceptabilité sociale ;
- et leur alignement avec les politiques nationales de résilience climatique.
À l’issue des échanges, les 14 pratiques ont été validées collectivement, assorties de recommandations pour leur mise en œuvre future.
Monsieur Raphael Tshimanga Professeur d’Hydrologie et des Ressources en Eau à l’Université de Kinshasa et Directeur de l’École Régionale de l’eau, a livré un plaidoyer vibrant en clôture des discussions :
« Nous vivons dans une région tropicale humide, soumise à des pluies intenses. Lutter contre les inondations et l’érosion exige des moyens considérables que notre gouvernement, affaibli par la guerre, ne peut toujours mobiliser. Les solutions fondées sur la nature offrent une alternative réaliste, adaptée et accessible à nos populations. »
Il a invité à changer de regard :
« Il ne faut pas toujours voir dans les inondations une menace. Elles peuvent devenir une opportunité : l’eau retenue peut servir à l’irrigation, à l’élevage ou à des usages domestiques. »
Avec près de 80 millions de Congolais vivant à moins de 50 km d’un grand cours d’eau, la gestion intégrée de l’eau est un enjeu vital. Le Professeur Tchimanga a appelé les journalistes et communicateurs à intensifier la sensibilisation et le plaidoyer :
« C’est grâce à une communication responsable et engagée que nous ferons entendre la voix des solutions locales. »

En clôture, Trésor BADISUNGU, coordonnateur Afrique de CCAO et responsable sous-régional du projet SFN, a salué la qualité scientifique et technique des travaux :
« Nous sortons avec de très bonnes impressions. Les participants — venus de plusieurs ministères, universités et ONG — ont enrichi le processus. Ce travail ouvre la voie à une capitalisation à court, moyen et long terme. »
Il a précisé que les 14 solutions validées ne représentent qu’un échantillon des initiatives existantes dans le pays. L’étape suivante : les intégrer dans les politiques publiques nationales et provinciales.
« Attendre de grands financements pour construire des ouvrages de protection prend des années. Pendant ce temps, les populations doivent continuer à vivre. Les solutions fondées sur la nature offrent une voie réaliste, durable et accessible à tous », a-t-il affirmé. CCAO compte poursuivre son engagement à travers des mécanismes d’appropriation communautaire, afin d’accompagner les populations dans la mise en œuvre concrète de ces approches, en RDC comme dans les autres pays du bassin du Congo.Et de conclure :
« Une solution fondée sur la nature, c’est une action locale qui protège ou restaure un écosystème tout en générant des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux. C’est une manière d’adapter la société humaine aux changements climatiques en protégeant la nature, pas en la détruisant. »
En rassemblant représentants du gouvernement, experts, société civile et partenaires internationaux, cet atelier marque un tournant décisif : faire de la nature une alliée stratégique contre les risques climatiques et construire des villes congolaises plus vertes, plus sûres et plus résilientes.
Par kilalopress