Kinshasa : le gouvernement de la RDC dénonce l’europe dans la guerre économique déguisée de la déforestation zéro

La République Démocratique du Congo (RDC) est une fois de plus sous le feu des projecteurs des régulations environnementales européennes. Mais cette fois, c’est une réaction ferme qui vient de Kinshasa. Le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku, a exprimé vendredi sa profonde inquiétude face au règlement européen sur la déforestation zéro, un texte qui vise à interdire l’entrée de certains produits agricoles sur le marché européen si leur chaîne d’approvisionnement contribue à la déforestation, qu’il s’agisse du cacao, du café, ou d’autres denrées. Selon Paluku, cette législation constitue bien plus qu’une simple tentative de protéger la planète ; elle pourrait en réalité cacher un plan plus sombre : une guerre économique déguisée.

La RDC, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l’Amazonie, a longtemps été perçue comme une victime des activités destructrices des industries agricoles. Mais ce que l’Union européenne semble ignorer, selon Paluku, c’est que les pratiques agricoles en RDC, particulièrement celles liées au cacao et au café, ne participent pas à la déforestation, mais plutôt à la reforestation et à la capture du CO2. Ces cultures pérennes, que l’Europe considère comme des coupables dans sa lutte contre la déforestation, sont en réalité des alliées dans la lutte contre le changement climatique, affirment les autorités congolaises.

Le ministre a fait valoir que la RDC dispose de plus de 80 millions d’hectares de terres arables, bien distincts de ses 155 millions d’hectares de forêts tropicales. Il souligne que les cultures de cacao et de café, souvent perçues comme responsables d’une déforestation massive, ne sont pas du tout des destructrices d’écosystèmes, mais au contraire, elles participent activement à la régénération de la biodiversité. La critique se fait encore plus acerbe lorsque le ministre attaque la légitimité des auditeurs internationaux responsables de certifier la conformité des plantations congolaises. Ces auditeurs, majoritairement basés en Afrique de l’Est – Kenya, Ouganda, Rwanda – sont accusés de n’avoir qu’une vision partielle et biaisée de la situation sur le terrain. Selon Paluku, certifier des plantations depuis l’étranger, sans même visiter les sites de manière régulière, relève d’une démarche douteuse qui met en danger l’avenir des producteurs congolais.

« Comment peut-on certifier qu’un cacao récolté aujourd’hui provient de la déforestation récente alors que la culture du cacao prend trois ans pour produire des récoltes ? » s’interroge-t-il. Un point qu’il estime fondamental dans cette controverse. Si l’Europe veut à tout prix vérifier l’origine de la déforestation, pourquoi ne pas reconnaître l’implication directe des producteurs locaux dans l’entretien des sols et la gestion durable de leurs terres ?

Mais la critique la plus cinglante porte sur le timing imposé par les régulations européennes. Le cacao et le café congolais mettent plusieurs années pour arriver à maturité, mais les certifications européennes semblent occulter cette réalité en prétendant que ces produits sont responsables d’une déforestation immédiate. Pour le gouvernement congolais, cette incohérence fait partie d’un plan visant à affaiblir la position économique de la RDC sur la scène internationale. La RDC, selon les dernières données, ne contribue qu’à hauteur de 0,03% à la déforestation mondiale, une proportion infime qui n’explique en rien les pressions exercées par l’Union européenne. « Il nous faudrait 100 ans pour atteindre 3% de déforestation avec un taux aussi bas. Ce n’est pas nous qui mettons en danger la planète ! », s’indigne le ministre.

Derrière cette législation, le ministre voit la main cachée d’une guerre économique déguisée. Le commerce international est un terrain complexe, et selon lui, les normes européennes, bien que prétendant protéger l’environnement, ont pour effet pervers de pénaliser des pays comme la RDC qui cherchent à sortir de la pauvreté par le biais de leur agriculture. La RDC, rappelle-t-il, cherche à transformer son secteur agricole pour en faire un moteur de développement durable, mais les nouvelles régulations européennes semblent la contraindre à un rôle de « simple exportateur de matières premières », sans possibilité de diversification ni d’industrialisation locale. Dans cette optique, Paluku prône un dialogue tripartite entre la RDC, l’Union européenne et la MONUSCO, l’ONU devant jouer le rôle de garant des normes environnementales. Le gouvernement congolais propose une certification locale qui pourrait remplacer celle, jugée trop éloignée et partielle, des auditeurs étrangers.

La RDC cherche également à réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Europe. En réintégrant le programme AGOA (African Growth and Opportunity Act) des États-Unis et en explorant de nouveaux marchés en Inde et en Chine, Kinshasa entend ouvrir de nouveaux horizons commerciaux, loin des exigences européennes qu’elle juge injustes et inadaptées à ses réalités. Si la législation européenne veut à tout prix voir la RDC sous l’angle de la déforestation, Kinshasa répond par une vision plus large : celle d’un pays en transition qui, loin de détruire ses forêts, cherche à jouer un rôle positif dans la lutte contre le changement climatique. Mais pour cela, encore faut-il que l’Europe comprenne les réalités du terrain. Le gouvernement congolais se bat pour que cette voix soit entendue.

Ce règlement européen pourrait bien marquer un tournant dans les relations commerciales entre la RDC et l’Union européenne. Plutôt que de s’engager dans des débats stériles sur des normes déconnectées de la réalité du terrain, Kinshasa préfère se concentrer sur une solution négociée et locale. La RDC entend démontrer que ses efforts pour protéger l’environnement méritent une reconnaissance à la hauteur de ses sacrifices, et elle est prête à se tourner vers d’autres partenaires économiques si l’Europe persiste à imposer des règles injustes.

Par kilalopress

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