Kinshasa – Ce lundi 3 novembre, l’Hôtel Fleuve Congo de Kinshasa a servi de cadre solennel au lancement de l’atelier de révision du Plan d’Action pour la Conservation des Grands Singes (CAP) dans l’Est de la République démocratique du Congo. Cet atelier, organisé par le Jane Goodall Institute (JGI) en partenariat avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) et le Ministère de l’Environnement et Développement Durable, marque une étape décisive pour la préservation des gorilles de Grauer et des chimpanzés de l’Est, espèces emblématiques mais aujourd’hui parmi les plus menacées en voies de disparution sur la liste de l’UICN.
Pendant cinq jours, du 3 au 7 novembre, les experts nationaux et internationaux, les représentants des institutions publiques, des ONG, des peuples autochtones et des communautés locales réunis au sein du consortium Ushiriki vont évaluer les progrès réalisés depuis 2011, actualiser les données scientifiques, et tracer une nouvelle feuille de route décennale 2026-2036.
L’ouverture de l’atelier a été marquée par les hommages rendus aux primatologues qui venaient de quitter cette terre laissant derrière eux d’énormes actions contribuant à la conservation des grands singes. Dans son allocution, le Directeur Exécutif de JGI a tenu à rendre hommage à la célèbre primatologue Dr Jane Goodall, fondatrice de l’Institut Jane Goodall récemment disparue ainsi qu’au Professeurs Dr. Augustin Kanyunyi Basabose.
« Ce moment nous offre l’occasion de réfléchir à son héritage remarquable et d’envisager comment poursuivre son œuvre immense », a-t-il déclaré avant d’inviter l’assistance à observer une minute de silence en mémoire de la primatologue britannique et d’autres figures de la conservation qui venaient de nous quitter, dont le Professeur Augustin Basabose. Ce recueillement a donné le ton d’un atelier placé sous le signe de la mémoire, de la responsabilité et de la continuité. Dans un ton empreint de lucidité, le représentant du Directeur Général de l’ICCN, M. Paulin Tshikaya, a insisté sur la nécessité de revoir les stratégies de protection à la lumière des nouvelles réalités du terrain.
« Face aux défis croissants qui menacent nos écosystèmes, il est impératif que nous adaptions nos stratégies, que nous renforcions nos synergies et que nous tirions les leçons de nos expériences passées », a-t-il affirmé.
Pour lui, la gestion adaptative est la clé : elle permettra d’intégrer les réalités des communautés locales et les données scientifiques récentes afin de bâtir des solutions durables. Il a salué la détermination des équipes de terrain « qui, souvent dans des conditions difficiles, œuvrent sans relâche pour la biodiversité congolaise ».
Le directeur exécutif du JGI-RDC, Mr.Emola Pippen-Hashim Makambo, a expliqué à la presse que cette révision s’inscrit dans la continuité du plan élaboré en 2011 et actualisé en 2015.
« La précédente phase du CAP arrive à échéance cette année. Nous développons une nouvelle feuille de route pour la période 2026-2036, en évaluant les résultats obtenus ces douze dernières années et en alignant nos actions sur les stratégies nationales de conservation de la biodiversité, notamment la SPANBIC », a-t-il détaillé.
L’atelier s’appuie sur les Normes ouvertes pour la pratique de la conservation (Conservation Standards) et mettra en avant l’analyse participative des menaces, la cartographie des parties prenantes et la redéfinition des « valeurs focales » – ces cibles de biodiversité et de bien-être humain au cœur de la nouvelle approche du CAP. Pour Monsieur Urbain Ngobobo, Directeur pays Dian Fossey Gorilla Funds, (DFGF), la révision du CAP arrive à point nommé.
« Les gorilles de Grauer figurent aujourd’hui parmi les espèces les plus menacées au monde. Le braconnage, la déforestation, l’exploitation minière artisanale et l’insécurité liée aux groupes armés continuent de réduire leur habitat », a-t-il confié. Mais il souligne aussi un signe d’espoir : « Nous avons observé des dynamiques positives dans l’abondance et la distribution des grands singes. D’où la nécessité de revoir nos stratégies pour renforcer ces avancées. »
Au-delà des discours, cette première journée a surtout mis en lumière la volonté commune de bâtir un nouveau modèle de conservation, alliant science, action communautaire et coordination institutionnelle. Les discussions ont posé les bases d’une planification collaborative qui permettra d’identifier les priorités, d’évaluer les chaînes de résultats et d’élaborer, d’ici la fin de la semaine, un plan d’action 2026 solide et inclusif. À Kinshasa, ce premier jour d’atelier laisse entrevoir un atelier déterminant pour l’avenir des grands singes du Congo. Car au-delà des chiffres et des cadres logiques, c’est une question de fierté nationale et d’héritage écologique qui se joue : celle de garantir aux générations futures la présence vivante de ces créatures majestueuses dans les forêts de l’Est.