Depuis des décennies, le Parc national de Kahuzi-Biega (PNKB) au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, est un sanctuaire de biodiversité mondialement reconnu. Pourtant, derrière cette façade de préservation se cache une polémique de longue date : les Pygmées Batwa, expulsés du parc en 1970 lors de sa création, réclament aujourd’hui leur retour sur leur territoire ancestral. Leur demande s’appuie sur une décision cruciale rendue par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Alors que la RDC se débat avec les enjeux de conservation et les droits des peuples autochtones, l’écho de cette revendication résonne désormais à l’échelle internationale.
Depuis l’instauration du PNKB en 1970, les Batwa ont été contraints de quitter leurs terres ancestrales sous prétexte de protection de la biodiversité. Cette expulsion est survenue dans un contexte où la préservation des espaces naturels a souvent eu raison des droits des peuples locaux. Les Batwa, qui vivaient en harmonie avec cette forêt depuis des siècles, ont été déplacés, leurs moyens de subsistance détruits et leur culture menacée.
L’injustice de cette expulsion a conduit les Batwa à chercher justice à travers les juridictions nationales. Malheureusement, leurs recours n’ont pas été couronnés de succès, ajoutant frustration et désespoir à une situation déjà désastreuse. En 2016, les Batwa ont décidé de saisir la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, une démarche audacieuse qui visait à faire valoir leurs droits sur la scène internationale.
En 2022, cette commission a rendu un jugement favorable aux Batwa, ordonnant à la RDC de réintégrer les Batwa dans leur territoire ancestral et de leur garantir l’accès aux terres qu’ils occupaient avant leur expulsion. Ce verdict a marqué une victoire importante pour les peuples autochtones en Afrique, mais la mise en œuvre de cette décision reste incertaine.
Le 13 septembre 2024, dans une déclaration poignante à Kalehe, les Batwa ont réitéré leur appel à la réintégration. Cette déclaration survient après la 79e session ordinaire de la Commission africaine, tenue à Banjul, Gambie, du 14 mai au 3 juin 2024. Lors de cette session, un addendum crucial a été adopté, renforçant les recommandations de la décision de 2022.
Les Batwa ont promis de protéger le PNKB en utilisant leurs savoirs traditionnels pour la gestion durable des ressources forestières. Ce compromis met en lumière un modèle de coexistence potentiellement bénéfique pour la conservation et les droits humains, mais le gouvernement congolais semble hésitant à mettre en œuvre les recommandations de la Commission.
L’affaire des Pygmées Batwa et du Parc national de Kahuzi-Biega est un exemple frappant de la collision entre conservation de la biodiversité et droits des peuples autochtones. Alors que la RDC s’efforce de concilier ces deux impératifs, la pression internationale et les revendications des Batwa devraient pousser le gouvernement à agir de manière décisive. La réintégration des Batwa dans leur territoire ancestral ne serait pas seulement un acte de justice historique, mais également une opportunité de réconcilier les objectifs de conservation avec les droits fondamentaux des peuples autochtones. La communauté internationale doit rester vigilante pour s’assurer que cette décision cruciale soit effectivement mise en œuvre, et que les Batwa puissent enfin retrouver une place qui leur revient de droit dans leur terre ancestrale.
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