Dans l’ombre d’une exploitation minière effrénée et illégale, les forêts et les écosystèmes de la province de l’Ituri, au nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), sont en train de se détruire à grande vitesse. L’impunité semble régner, et des entreprises chinoises sont au cœur de ce carnage environnemental. Selon Dieudonné Lossa Dhekana, coordonnateur de la société civile de l’Ituri, cette situation atteint des proportions alarmantes, mettant en péril non seulement la biodiversité locale mais aussi la vie des populations riveraines.
Lors d’une interview accordée ce lundi 3 février 2025, Lossa a dénoncé la destruction systématique des forêts et des cours d’eau, souvent à l’insu du gouvernement congolais, par ces exploitants miniers. « Ces sociétés chinoises n’effectuent aucune remise en état après leurs opérations. Après l’exploitation de l’or, ils laissent des trous béants dans le sol, qui se transforment rapidement en lits naturels pour les rivières, sans aucun effort pour restaurer l’écosystème », explique-t-il, visiblement choqué par l’ampleur du désastre.
La situation est d’autant plus inquiétante dans des zones écologiquement sensibles, comme celles abritant des espèces protégées, notamment l’Okapi, qui est l’un des symboles de la biodiversité de la RDC et du monde. Ces zones, connues pour leur richesse naturelle, sont gravement exposées à l’exploitation minière illicite. « Il y a une destruction aveugle des écosystèmes forestiers, un véritable massacre », poursuit Lossa Dhekana. “C’est une zone unique en RDC et dans le monde. Elle doit être protégée, mais les activités minières illégales la mettent en grand danger.”
Un autre impact dramatique de ces exploitations sauvages est la pollution des eaux. Les rivières de Mambasa, essentielles pour la survie des populations locales, sont contaminées par des produits chimiques et des déchets miniers. Le bilan est catastrophique : la pêche, source principale de nourriture et de revenus pour les habitants, est en train de disparaître. « Les eaux sont toutes polluées. Les poissons que les habitants consomment régulièrement ne sont plus au rendez-vous. C’est un véritable désastre pour la communauté locale », déplore Lossa Dhekana.
Ce phénomène n’est malheureusement pas isolé. Depuis plusieurs mois, l’exploitation minière illicite par des entreprises chinoises dans plusieurs provinces de l’Est de la RDC est devenue une réalité bien ancrée, souvent au mépris total des normes environnementales et des lois congolaises. Un rapport accablant publié en décembre 2024, rédigé par des députés provinciaux de la province voisine de Tshopo, a dénoncé l’utilisation abusive de ressources naturelles, la militarisation excessive des sites miniers, et la destruction de terres agricoles et de cimetières locaux. Ce rapport a qualifié ces activités d’« exploitation semi-industrielle » et a mis en lumière les effets dévastateurs sur les écosystèmes locaux, en plus du non-respect flagrant des obligations sociales envers les communautés locales.
Plus inquiétant encore, la présence massive d’expatriés, notamment chinois, mais aussi ougandais, burundais et kenyans, sur ces sites miniers illégaux semble amplifier la situation. Le gouvernement provincial de Tshopo a d’ailleurs recommandé en urgence de suspendre les activités de ces entreprises chinoises, une proposition qui, pour l’instant, reste sans réponse concrète. L’immense richesse minière de la RDC a attiré des investisseurs internationaux, mais l’exploitation illégale et l’absence de régulation sérieuse exacerbent les crises écologiques et sociales. Au-delà des préoccupations environnementales, ces entreprises chinoises semblent ignorer les droits des populations locales, les privant de leurs terres, de leurs ressources naturelles et, désormais, de leur moyen de subsistance.

Si la situation à Mambasa est une urgence immédiate, elle n’est que le reflet d’un problème bien plus vaste, où les grands intérêts économiques internationaux semblent s’imposer au détriment de l’environnement et des populations vulnérables. Une remise en question de ces pratiques devient non seulement nécessaire mais urgente pour sauver ce qui peut encore l’être dans ces zones sensibles de la RDC.
Par kilalopress