Inondations à Kinshasa : 33 morts, +19 % de précipitations depuis 1960, une population qui pourrait doubler d’ici 2045

Kinshasa, capitale surpeuplée de la République démocratique du Congo (RDC), est en train de devenir le symbole tragique d’une Afrique laissée-pour-compte face aux dérèglements climatiques. Selon une étude du groupe scientifique international World Weather Attribution (WWA), dont une copie a été reçue par la rédaction de KilaloPress, les inondations dévastatrices survenues début avril 2025 dans la métropole congolaise, qui ont causé la mort d’au moins 33 personnes et détruit des centaines de foyers, sont le résultat combiné de facteurs humains, environnementaux et structurels.

En toile de fond : la pauvreté persistante, une urbanisation anarchique et un manque criant d’investissements dans la science climatique.L’étude du WWA, réalisée par 18 chercheurs issus de plusieurs institutions africaines, européennes et américaines, alerte : des épisodes de précipitations diluviennes comme celui qui a submergé Kinshasa les 4 et 5 avril sont désormais attendus tous les deux ans. Et ils risquent de s’intensifier avec le réchauffement climatique.

Problème : malgré la gravité de la situation, les scientifiques n’ont pas pu établir avec certitude l’impact direct du changement climatique sur ces pluies extrêmes. En cause ? Le manque de données locales fiables, le faible maillage de stations météorologiques et la faible performance des modèles climatiques globaux sur le continent africain. « L’Afrique n’a contribué qu’à 3 à 4 % des émissions mondiales, mais elle est en première ligne des catastrophes climatiques, sans les outils nécessaires pour comprendre ou anticiper ce qui se passe », déplore le Dr Joyce Kimutai, chercheuse au Centre for Environmental Policy de l’Imperial College London. Kinshasa, avec ses près de 18 millions d’habitants et une croissance démographique galopante — la population pourrait doubler d’ici 20 ans —, se retrouve dans une situation explosive. Les habitations informelles prolifèrent sur des zones inondables, la déforestation fragilise les sols, et les infrastructures de drainage sont largement insuffisantes.« Même une pluie modérée peut suffire à provoquer des inondations majeures, faute de canalisations adéquates », alerte Shaban Mawanda, conseillère au Centre climatique de la Croix-Rouge.Les données de deux stations météorologiques locales montrent que les précipitations sur sept jours sont devenues jusqu’à 19 % plus intenses depuis 1960, une tendance cohérente avec les projections du GIEC pour l’Afrique centrale.

Mais là encore, l’absence de données de qualité empêche une analyse d’attribution complète sur le rôle précis du changement climatique.Le WWA souligne un déséquilibre criant : la majorité des recherches sur le climat extrême se concentrent sur les pays riches. Sur les sept études récentes de WWA ayant abouti à des résultats non concluants, quatre concernaient l’Afrique.« La forêt tropicale d’Afrique centrale est l’une des régions les plus négligées de la science du climat », affirme Dieudonné Nsadisa Faka, de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.Investir massivement dans les stations météorologiques, la collecte de données, et la recherche scientifique locale est désormais une priorité. C’est aussi une question de justice climatique.Ironie douloureuse : la RDC est riche en ressources critiques pour la transition énergétique mondiale — notamment le cobalt, dont elle détient 70 % des réserves mondiales — mais demeure le quatrième pays le plus pauvre de la planète. Le pays est de surcroît ravagé par des violences persistantes dans l’est, qui aggravent la vulnérabilité de ses populations.« Chaque inondation efface des récoltes, détruit des maisons, freine toute avancée économique. Le changement climatique creuse davantage encore les inégalités », souligne la climatologue Friederike Otto, également membre de l’équipe de recherche.Lors de la COP29, les pays industrialisés ont promis 300 milliards de dollars d’ici 2035 pour aider les pays en développement à s’adapter aux effets du changement climatique. Mais ces engagements restent largement théoriques. La RDC, comme tant d’autres nations africaines, attend toujours que les promesses se concrétisent.L’étude du World Weather Attribution, loin de n’être qu’une analyse scientifique, est un cri d’alerte. Sans une réponse internationale ambitieuse, Kinshasa pourrait devenir l’épicentre d’une catastrophe climatique répétée. Un avertissement pour l’Afrique, mais aussi pour le monde entier.

Par kilalopress

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