Sur l’île d’Idjwi, au cœur du majestueux lac Kivu, un souffle de conscience écologique s’est levé cette semaine. Réunis sous les arbres, sur la terre encore humide des dernières pluies, des femmes, des jeunes et des anciens ont pris part à un palabre communautaire consacré au climat et à la lutte contre les énergies fossiles. Une rencontre pas comme les autres, organisée par l’Alerte Congolaise pour l’Environnement et les Droits de l’Homme (ACEDH), dans le cadre de la campagne « Notre Terre sans pétrole », qui a transformé la parole des habitants de cette île paisible en une véritable agora citoyenne autour d’un enjeu planétaire : la survie de la Terre face à la dépendance aux énergies fossiles.
Loin des grandes conférences internationales, cette assemblée villageoise a donné une dimension profondément humaine à la crise climatique. Ici, les participants n’ont pas parlé de “courbes de CO₂” ou de “neutralité carbone”, mais de récoltes qui disparaissent, de champs qui s’effritent, de poissons de plus en plus rares et d’eaux polluées. “Nos ancêtres vivaient en harmonie avec la nature. Aujourd’hui, c’est la nature qui nous échappe”, a confié un vieil agriculteur, les yeux perdus vers les collines verdoyantes d’Idjwi.
Ce dialogue intergénérationnel, fidèle à la tradition africaine du palabre, a permis de croiser les savoirs ancestraux et les connaissances modernes. Les jeunes, souvent perçus comme déconnectés de la terre, ont écouté avec respect les récits des anciens sur la manière dont leurs parents anticipaient les saisons. En retour, ils ont partagé leur compréhension du changement climatique et des menaces que représente l’exploitation du gaz autour du lac Kivu. Un jeune pêcheur a résumé le sentiment général : “On nous parle de développement, mais à quel prix si le lac qui nous nourrit devient une bombe écologique ?”
Au-delà des mots, le message lancé depuis Idjwi se veut un appel au monde. À l’approche de la COP30, prévue au Brésil, les habitants de l’île souhaitent que leurs voix résonnent jusqu’aux couloirs des négociations internationales. Pour eux, il ne s’agit plus de promesses mais d’actions concrètes : tourner définitivement le dos aux énergies fossiles et investir dans des alternatives durables portées par les communautés locales.
À Idjwi, l’urgence climatique n’est pas un concept abstrait mais une réalité quotidienne. Les pluies imprévisibles, les érosions de terres et la baisse des rendements agricoles poussent les familles à s’adapter ou à partir soit a Goma ou a Bukavu. Le palabre a permis de rappeler que, malgré ces difficultés, les solutions existent : la revalorisation des savoirs locaux, la promotion de l’agroécologie, la gestion communautaire des ressources naturelles et la solidarité villageoise.
Dans la ferveur des échanges, une conviction s’est imposée : la lutte contre le changement climatique ne se gagnera pas seulement dans les grandes villes ni dans les salles climatisées des sommets internationaux, mais dans les villages, là où les populations vivent les effets du dérèglement chaque jour. Et de cette petite île d’Idjwi, encerclée par les eaux du lac Kivu, est parti un message clair au monde : la planète n’a pas besoin de nouveaux puits de gaz, mais de nouveaux foyers d’espérance.
Par kilalopress