Kongo-Central : la COMILU pointée du doigt pour la crise à Lukaya et des tensions sociales croissantes

Mbamba Kilenda, ce nom résonne aujourd’hui comme un avertissement. Là, dans le secteur de Ngufu, territoire de Madimba, à quelques dizaines de kilomètres de Kinshasa, une fronde se lève. Elle ne crie pas, elle ne casse pas. Elle tient des banderoles. Et son message est sans ambiguïté : « Respect au Code minier ! Respect aux droits des communautés locales ! Respect à l’Association d’Intérêt Communautaire de la Lukaya ! » Derrière ces mots simples, une vérité brutale se dévoile : celle d’un modèle extractif qui avance à coups de bulldozers juridiques, laissant derrière lui des communautés désorganisées, des engagements flous et des droits bafoués.

La COMILU – Compagnie Minière de Lukaya – est au centre de la tourmente. Huit villages dont les terres sont affectées par ses activités minières sont montés au front. Face aux pelleteuses et aux silences stratégiques, ils ont choisi la cohésion. Ils ont fondé l’Association d’Intérêt Communautaire de la Lukaya (AIC Lukaya), présidée par Glody Pembele Muaka, et reconnue par les chefs coutumiers eux-mêmes. Ce n’est pas un groupuscule opportuniste : c’est la voix légitime de ces territoires.

Mais la COMILU, selon les protestataires, jouerait un tout autre jeu. Elle tenterait de passer outre cette instance représentative. Elle négocierait dans l’ombre, village par village, divisant pour mieux régner. Une stratégie aussi vieille que le colonialisme, maquillée ici en pragmatisme contractuel. Un chef de village, la voix ferme, a lancé sur place : « Nous refusons toute tentative de division ou de contournement de nos représentants légitimes. Nous parlons d’une seule voix, et cette voix est celle de l’AIC Lukaya. » Ce cri, capté sous le ciel chargé de Madimba, est aussi une mise en garde : trop de pactes miniers en Afrique se sont écrits dans le dos des peuples.

Ce conflit latent n’est pas qu’un simple désaccord sur la procédure. Il est le révélateur d’un problème structurel que trop de compagnies exploitent à dessein : l’absence de transparence, la faiblesse des mécanismes de consultation, le non-respect des protocoles définis dans le Code minier congolais. Car la loi, elle, est claire. Elle exige des consultations communautaires authentiques et représentatives. Elle impose l’implication des structures légitimes reconnues localement. Elle prévoit même des mécanismes de compensation et de bénéfices partagés. Or ici, tout indique que la COMILU veut prendre un raccourci.

Plus grave encore, la tentative de division des chefs coutumiers ne serait pas un incident isolé, mais une tactique délibérée pour affaiblir toute forme de contre-pouvoir. Lorsque les communautés sont fragmentées, elles deviennent vulnérables. Quand les représentants légitimes sont contournés, les contrats se signent plus facilement — mais toujours au désavantage des peuples. C’est une forme de violence plus sourde, mais non moins destructrice : une dépossession institutionnelle, légale en apparence, illégitime en profondeur.

Pour briser l’impasse, les représentants de l’AIC Lukaya en appellent aujourd’hui aux autorités provinciales. Ils réclament une réunion tripartite : Gouvernement – COMILU – AIC Lukaya. Non pas pour quémander des miettes, mais pour « éclairer les zones d’ombre autour des engagements de l’entreprise, aider à aplanir les divergences et garantir un partenariat équitable conforme au Code minier en vigueur. » Un appel qui, s’il n’est pas entendu, pourrait marquer un basculement. Car lorsque les communautés perdent confiance dans la justice institutionnelle, c’est vers d’autres formes de résistance qu’elles se tournent.

Derrière cette affaire, c’est toute la question de la gouvernance minière en République Démocratique du Congo qui est posée. Que vaut une loi, si elle n’est pas appliquée ? Que vaut une autorité coutumière, si elle est manipulée ? Que vaut un dialogue, si les interlocuteurs sont choisis par l’extracteur ? L’affaire de la COMILU n’est pas un cas isolé. C’est un schéma répété, un scénario trop souvent joué, sur fond de silence administratif et d’avidité industrielle.

Dans une époque où le mot “transition écologique” est dans toutes les bouches, il est impératif de rappeler que la justice environnementale commence par la justice sociale. Aucune exploitation minière ne peut se dire durable si elle est fondée sur le mépris des communautés locales. Et aucun investisseur, aucun décideur, aucun citoyen ne peut feindre l’ignorance : ce qui se joue à Mbamba Kilenda n’est pas périphérique. C’est central. certains analystes pensent qu’il est temps que la COMILU réponde. Et surtout, il est temps que les autorités congolaises fassent respecter la loi qu’elles ont votée. Sinon, les terres de la Lukaya continueront de saigner en silence, pendant que d’autres récoltent les dividendes.

Par kilalopress

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