Aru : Face à la sécheresse – une crise climatique met en péril la survie des communautés rurales

Dans le territoire d’Aru, au nord-est de la RDC, une sécheresse sans précédent transforme des villages entiers en bastions de la faim, de la soif et de la désolation. Ce drame ne se limite pas à l’absence de pluie : il révèle une urgence climatique profonde, une défaillance systémique et l’impératif de reconstruire notre relation au vivant.

Ce ne sont plus de simples fissures dans le sol que l’on trouve dans les champs de manioc du territoire d’Aru. Ce sont des cicatrices béantes qui marquent une rupture entre l’homme et son environnement. Depuis mars, cette zone autrefois fertile suffoque, frappée par une sécheresse aussi soudaine qu’impitoyable. Loin des mégapoles et des caméras, l’Ituri vit une tragédie écologique à huis clos.

Mais cette sécheresse, ce n’est pas juste “moins d’eau”. C’est un effondrement en cascade : perte de rendements agricoles, stress hydrique, flambée des prix alimentaires, migrations forcées, insécurité nutritionnelle, conflits d’usage. Et au cœur de cette tourmente, une vérité brute : le changement climatique est déjà là.

Dans les villages de Kumuri, Adumi, Drisso et dans la chefferie Kakwa, les puits sont à sec. Les femmes parcourent chaque jour jusqu’à 10 kilomètres sous un soleil torride pour un seau d’eau trouble. C’est cette scène, pourtant quotidienne, qui incarne le mieux la bascule climatique de l’Ituri : l’eau – droit fondamental – est désormais un privilège.

Les puits à ciel ouvert, jamais protégés ni entretenus, s’assèchent au moindre dérèglement. Le manque d’infrastructures hydrauliques transforme la moindre goutte en enjeu de survie. Cette vulnérabilité structurelle n’est pas un accident, mais le résultat d’un abandon de longue date des systèmes de résilience locale.

Les paysans d’Aru cultivent encore le manioc et le maïs selon des pratiques héritées, peu mécanisées, dépendantes des cycles saisonniers. Mais ces saisons n’existent plus. À la place : des sécheresses prolongées, imprévisibles, brûlant les récoltes avant même la floraison. Résultat : jusqu’à 80 % de pertes agricoles, un chiffre vertigineux.

Cette crise alimentaire n’est pas une mauvaise année, c’est la chronique d’un effondrement annoncé, accéléré par le réchauffement global. Les terres, sans couverture végétale, sont devenues des fours. Le bétail meurt, la faim grandit, les enfants dépérissent.

Sur les marchés d’Aru, les étals sont vides. Un sac de farine coûte désormais trois fois son prix. Pour les familles paysannes, ce n’est plus un problème de choix alimentaire, c’est une question de survie. Les cas de malnutrition infantile se multiplient. Le tissu social, déjà fragile, se déchire.

Ajoutez à cela l’arrivée de milliers de réfugiés du Sud-Soudan, fuyant la guerre, et vous obtenez une pression démographique explosive sur des ressources quasi inexistantes. Un seul point d’eau pour trois villages : c’est là que naissent les tensions, les conflits et le risque sanitaire.

La sécheresse d’Aru n’est pas isolée. Elle incarne la frontière avancée du changement climatique en Afrique centrale. C’est un signal fort envoyé à toutes les régions rurales exposées : sans infrastructures durables, sans adaptation agroécologique, sans gestion des ressources, le climat ne fera pas de quartiers.

La protection civile tente une riposte : forages d’urgence, semences résistantes à la sécheresse… Mais les financements manquent, les moyens humains aussi. L’appel lancé aux ONG et aux bailleurs internationaux est un cri de détresse.

Ce que vit Aru aujourd’hui, d’autres territoires le vivront demain. La vraie urgence ne se mesure pas seulement en sacs de farine ou en camions-citernes : elle se mesure en capacités locales à résister, à anticiper, à s’adapter.

Ce que nous appelons “résilience” ne peut être une rhétorique de projet. Elle doit devenir un système de défense écologique et social : techniques agricoles climato-intelligentes, gestion communautaire de l’eau, protection des bassins versants, planification territoriale inclusive. Voilà l’avenir – ou l’absence d’avenir – que dessine Aru.

Dans le fracas mondial des dérèglements climatiques, Aru n’est qu’un point sur la carte. Mais c’est un point de bascule. Un territoire qui nous tend un miroir : celui d’un monde rural oublié, frappé de plein fouet, et qui n’a plus que sa dignité pour lutter. Ne détournons pas le regard. Ce qui meurt à Aru aujourd’hui, c’est notre capacité collective à protéger le vivant.

Par kilalopress

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